110147 SE Medienwissenschaftliches Seminar (MA) - Französisch (2020W)

« [G]rand consécrateur de l’ère du vide » (O. Bardolle), Michel Houellebecq, ancien enfant terrible désormais en voie de canonisation, a marqué toute une génération littéraire ; d’« Extension du domaine de la lutte » (1994) à « Sérotonine » (2019), ce « grand romancier […] du capitalisme à l’agonie » (B. Maris) propose une exploration désabusée de la société occidentale mondialisée de nos jours.
Dans le cadre de ce séminaire MA, nous nous pencherons sur les rapports complexes que l’écrivain, ancien élève de l’ENS Louis-Lumière, entretient avec le cinéma. Dès 1978, Houellebecq réalise un premier court métrage muet intitulé « Cristal de souffrance », suivi par d’autres créations filmiques, dont « Déséquilibres » (1982) et « La Rivière » (2001) ; en 2008, il signe l’adaptation de son roman « La Possibilité d’une île » (2005). Réalisateur et scénariste, Houellebecq possède également un impressionnant portfolio d’acteur : à part ses rôles dans « Near Death Experience » (Gustave Kervern/Benoît Delépine, 2014), « Saint Amour » (Delépine/Kervern, 2016) ou « Effacer l’historique » (Delépine/Kervern, 2020), il apparaît à l’écran en tant qu’incarnation de « lui-même », interrogeant et parodiant en même temps sa posture auctoriale et son image publique : ainsi dans « L’Enlèvement de Michel Houellebecq » (Guillaume Nicloux, 2014) ou encore dans « Thalasso » (Nicloux, 2019), deuxième rencontre cinématographique avec Gérard Depardieu (« une version peut-être modernisée de Laurel et Hardy sous acide », d’après le réalisateur), tandis que le documentaire « To Stay Alive : A Method » (Reinier van Brummelen/Arno Hagers/Erik Lieshout, 2016), basé sur l’essai « Rester vivant : méthode » (1991) et ironiquement présenté comme « A Feel Good Movie about Suffering », le met en scène aux côtés d’Iggy Pop. Rien d’étonnant à ce que cette longue et riche expérience cinématographique inspire aussi la production littéraire de Houellebecq en tant que poète, romancier et essayiste ; nous discuterons quelques extraits de textes témoignant de sa réflexion sur l’histoire et l’esthétique du cinéma (cf., p. ex., son « Regard perdu : éloge du cinéma muet », datant de 1993).
Dans la seconde partie de notre séminaire, nous nous intéresserons aux adaptations cinématographiques et télévisuelles de plusieurs romans de Houellebecq, à commencer par « Extension du domaine de la lutte » (Philippe Harel, 1999). Transférant l’intrigue des « Particules élémentaires » (1998) dans un contexte allemand, Oskar Roehler, avec « Elementarteilchen » (2006), procède à une double adaptation intermédiale et interculturelle ; « Unterwerfung » de Titus Selge (2018) – méta-film basé sur « Soumission » (2015), politique-fiction mettant en scène l’islamisation douce de la France du proche avenir et objet d’une vive polémique – nous permettra d’étudier les procédés d’une adaptation hybride entre littérature, théâtre et cinéma.
Il s’agira de situer ces adaptations par rapport aux romans, d’analyser les respectives stratégies de transposition intermédiale dans leurs implications esthétiques et idéologiques, de s’interroger aussi, dans une perspective théorique plus large, sur le statut de l’adaptation comme réinterprétation. À plus d’un titre, le cas de Houellebecq, écrivain et cinéaste controversé, invite ainsi tout particulièrement à la réflexion sur les rapports entre littérature et cinéma : « littérature à vif » (Bardolle) et souvent à scandale, quelles métamorphoses l’œuvre de Houellebecq subit-elle à l’écran ?

Méthode : séquences de cours magistral (introduction thématique et théorique) ; exposés des étudiant-e-s ; lecture/visionnement et discussion d’extraits de textes et de films ; rédaction individuelle de quelques petits essais au cours du semestre ainsi que d’un mémoire de fin de séminaire.