110236 SE Literaturwissenschaftliches Seminar (BA) - Französisch (2021W)

D’Homère à Stephen King, les épidémies et pandémies sont omniprésentes dans la littérature mondiale (tout comme, à notre époque, dans les domaines du cinéma ou du jeu vidéo). Après un panorama comparatiste de l’imaginaire épi-/pandémique en littérature, nous nous pencherons, dans le cadre de ce séminaire BA, sur un corpus francophone de l’extrême contemporain : comment la très récente « Corona-lit » (D. Bloom) s’inscrit-elle dans une tradition séculaire à la dimension intertextuelle prononcée ? « Il faudra attendre maintenant, voir si l’incertitude, le temps suspendu du confinement sera propice à l’éclosion d’œuvres pérennes, à l’instar de ‘La Peste’ […] », remarque L. Rosier, par référence au roman d’Albert Camus, source d’une véritable « contagion des imaginaires » (A. Palud). S’il est trop tôt pour savoir si le coronavirus donnera au monde un nouveau Camus ou « un nouvel Hugo » (P. Grégoire), la pandémie inspire d’emblée une riche production littéraire, au niveau professionnel comme amateur (« démocratisation » évidemment favorisée par le numérique). Mais peut-on « peindre la tempête au cœur de la tempête » (A. Dreyfus) ? Il s’agira de réfléchir sur les formes, les fonctions et les défis particuliers de cette littérature pandémique créée en temps réel, qui témoigne de la difficulté à trouver la juste mesure « entre bagatelle et apocalypse » (L. T. Ilea) ainsi que d’une renégociation intense du rapport entre fiction et réalité.
Avec « La Couronne du diable » (2020), Alexandre Najjar nous emmène pour un voyage romanesque autour du monde pandémique, en revendiquant, sur les traces de Camus, une posture d’écrivain engagé : « On a une certaine responsabilité […]. J’ai pensé que c’était important d’écrire le premier acte de cette pandémie. » Genre « covidien » par excellence, le journal de confinement provoque en France, dès mars 2020, une vive polémique (à analyser dans une optique littéraire et sociale, mais aussi genrée) et une multitude de parodies – dont nous analyserons également quelques exemples, tout comme divers « journaux de non-confinement » ou « anti-journaux de confinement ». Éric Chevillard, lui, opte pour un parodique méta-journal de confinement ; publié d’abord en ligne, puis sous forme d’un « livre éventail » illustré, « Sine die » (2020) mise sur l’humour comme « une autre force de résistance ».
Par-delà journaux de confinement, chroniques et « Tracts de crise » (Coll., Gallimard 2020), la « Corona-lit » s’inspire largement des classiques de l’épidémie : en France comme ailleurs, fleurissent les réécritures du « Décaméron » de Boccace, « livre multimédia » (N. Koble), matrice d’une écriture polyphonique. Sous la devise « Décamérez ! », Koble crée un « néodecameron » pour notre temps, « espace de partage, de communauté et surtout de narration ». D’autres variations collectives du grand modèle (« Décaméron 2020 » ou « Le Coronaméron » des « Confiné.e.s de l’an 2020 »…) esquissent des perspectives plurielles sur la pandémie ; rédigée sous la « contrainte de l’urgence », une collection de « Récits infectés » (dir. L. Brassard, 2020) participe également d’une poétique de l’« inter-contamination ».
À partir d’un corpus aussi riche que varié, nous nous interrogerons sur divers aspects de la représentation de la pandémie actuelle en littérature : médiatiques et sociaux, mais aussi et surtout esthétiques : quel rapport entre discours politique, discours scientifique et fiction littéraire ? Y a-t-il une poétique – ou plutôt des poétiques – de la pandémie ? Quelle lumière ces textes très récents jettent-ils sur l’état de notre société, bouleversée par une crise qui accentue ses lignes de faille et ses fragilités ?

Méthode : séquences de cours magistral (introduction thématique et théorique) ; exposés des étudiant-e-s ; lecture et discussion d’extraits de textes ; rédaction individuelle de quelques petits essais au cours du semestre ainsi que d’un mémoire de fin de séminaire/mémoire de BA.