110122 SE Literature Seminar (BA) - French (2020W)

De l’« Iliade » d’Homère à Stephen King (« The Stand », 1978), des fléaux bibliques à Gilbert Bordes (« La Peste noire », 2007), Philip Roth (« Nemesis », 2010) ou Franck Thilliez (« Pandemia », 2015), en passant par des classiques comme le « Decamerone » de Boccace (1348-1353), « Journal of the Plague Year » (1722) de Daniel Defoe ou « Pesten i Bergamo » (1881) de Jens Peter Jacobsen (pour ne citer que quelques exemples), l’épidémie est omniprésente dans la littérature mondiale – ainsi que, à notre époque, dans les domaines du cinéma (que l’on pense, par exemple, à « Contagion » de Steven Soderbergh, 2011) ou du jeu vidéo (« Plague Inc. » & Cie).
Dans le cadre de ce séminaire BA, nous réfléchirons sur l’imaginaire de l’épidémie dans la littérature des XXe et XXIe siècles, à partir d’un corpus associant des « incontournables » du genre à des textes moins connus. En publiant « Je brûle Paris » (1928), Bruno Jasieński, écrivain polonais communiste installé alors en France, attaque « les fondements du mythe parisien » (M. Wyka) ; fort symboliquement, ce roman futuriste répand la peste sur la métropole capitaliste condamnée. Avec « La Peste » (1947) d’Albert Camus, « chronique » d’une épidémie imaginaire à Oran dans les années 1940, en même temps parabole politique et philosophique, nous étudierons le « [r]oman star du récit d’épidémie » (N. Titti), source, jusqu’à nos jours, d’une véritable « contagion des imaginaires » (A. Palud). Jean Giono situe son « Hussard sur le toit » (1951) dans le contexte historique d’une très réelle épidémie de choléra qui dévaste la Provence en 1832 et qui, dans ce roman d’amour et d’aventures, se trouve également investie d’une dimension symbolique. Dans sa nouvelle « Les Pestiférés », publiée à titre posthume dans « Le Temps des amours » (1977) et adaptée en 2019 sous forme de bande dessinée, Marcel Pagnol évoque un épisode de la Grande Peste de Marseille qui, en 1720, réduit la population de moitié. Finalement, avec quelques extraits de « Peste & choléra » (2012) de Patrick Deville, roman basé sur la vie d’Alexandre Yersin (découvreur, en 1894, du bacille de la peste), et la nouvelle « Une épidémie » (2013) de Fabien Clouette, deux textes de l’extrême contemporain viendront clore notre parcours épidémico-littéraire.
À partir de ce corpus, nous nous interrogerons sur divers aspects de la représentation de l’épidémie en littérature : historiques, sociaux et politiques (quel éclairage la littérature de l’épidémie apporte-t-elle sur une société, sa vision de l’individu, son rapport au corps, à la mort, à l’autre, au monde ?), mais aussi et surtout esthétiques : quel rapport entre discours scientifique (historique, médical, etc.) et fiction littéraire ? Y a-t-il une poétique – ou plutôt des poétiques – de l’épidémie ? Comment raconter et montrer la maladie, la souffrance, l’abjection, la mort ? À cet égard, un regard sur les adaptations intermédiales des textes du corpus s’avère éclairant (cf. notamment Luis Puenzo : « La Peste », 1992 ; Jean-Paul Rappeneau : « Le Hussard sur le toit », 1995). Et finalement, dans une perspective de synthèse : quelle lumière ces récits d’épidémies historiques et/ou imaginaires jettent-ils sur l’état actuel de notre société, bouleversée par une crise pandémique qui accentue ses lignes de faille et ses fragilités ?

Méthode : séquences de cours magistral (introduction thématique et théorique) ; exposés des étudiant-e-s ; lecture et discussion d’extraits de textes ; rédaction individuelle de quelques petits essais au cours du semestre ainsi que d’un mémoire de fin de séminaire/mémoire de BA.