110192 SE Literature Seminar (BA) - French (2020S)

« Balzac + Internet = on aime » (X. de la Porte) : voilà le résumé d’une critique enthousiaste de « Vernon Subutex » (2015-2017) de Virginie Despentes. « Comédie humaine 2.0 » (A. Debrocq) ou bien « comédie inhumaine » du XXIe siècle, en même temps avant-garde d’une « littérature Netflix » (E. Thöne) marquée par la sérialité TV contemporaine, la trilogie despentienne – effectivement adaptée, en 2019, sous forme d’une série télévisée – incite tout particulièrement à la réflexion sur la dimension (inter-)médiale de la littérature. « Je pense que je n’aurais pas conçu le livre de la même façon si je ne regardais pas autant de séries », affirme Despentes, convaincue que « le Balzac du XXIe, ce sera un auteur de série, genre The Wire ». Dès « Apocalypse bébé » (2010), elle médite sur les métamorphoses de la littérature à l’âge digital : « Une vie consacrée aux livres, et les livres bientôt disparus », constate avec amertume l’un de ses antihéros, écrivain malheureux.
En effet, « bientôt disparus » ? Depuis des décennies, le livre traditionnel ne cesse de « disparaître » : dès 1894, Octave Uzanne, face aux nouvelles inventions technologiques du phonographe et du kinétoscope, proclame « La Fin des livres ». En 2011, François Bon annonce à son tour une ère d’« Après le livre », la digitalisation favorisant à ses yeux l’émergence d’une nouvelle « littérature sociale », plus démocratique dans une perspective globale, d’une « nouvelle agora » basée sur l’« échange web ». La même année 2011, Frédéric Beigbeder, dressant un « Premier bilan après l’apocalypse », tonne de son côté contre l’« écran […] communiste », accusé de rendre « toutes les formes d’écritures […] interchangeables » et de ravaler ainsi « la prose de Cervantès […] au même rang que Wikipédia ».
Dans le cadre de ce séminaire BA, nous réfléchirons sur les enjeux littéraires et culturels, mais aussi politiques et socio-économiques de ces discours pro- et anti-numériques. La notion moderne de l’autorité s’associe étroitement à « L’Apparition du livre » (H. J. Martin/L. Febvre) ; mais alors, « Qu’est-ce qu’un auteur » (cf. M. Foucault) à l’âge digital ? Avec les adieux à la « galaxie Gutenberg » (cf. H. Marshall McLuhan, « The Gutenberg Galaxy » [1962], N. Bolz, « Am Ende der Gutenberg-Galaxis » [1993]), se trouvent renégociées toute une « ontologie du livre » (Nam June Paik) et de l’autorité, mais aussi la relation entre auteur et lecteur.
Surgissent, dans ce contexte, de nouvelles formes et pratiques littéraires, cyber-« écriture collective » (F. Bon), hypertextes en ligne, twittérature, fanfiction numérique, littérature multi-supports… Avec « Corpus Simsi » (2003), Chloé Delaume explore les possibilités du jeu vidéo en tant que « générateur de fiction, doublé d’un outil technique singulier », invitant les lecteurs/joueurs à l’interaction dans le cadre d’un de ces jeux électroniques qui font figure d’« exercice d’une nouvelle littérarité » (N. Bolz) ; roman également interactif et « livre-jeu » dans la tradition oulipienne, « La nuit je suis Buffy Summers » (2007) renoue à la fois avec le « Buffyverse » multimédial.
Or, la digitalisation marque et modifie aussi la réception – critique comme créatrice – de textes canoniques (Balzac & Cie) ; ainsi, se trouve actualisé le genre classique du roman épistolaire, transformé en roman courriel, roman texto, etc. En guise d’exemple, nous étudierons quelques cas de réécritures contemporaines des « Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos (notamment « Nous sommes cruels » [2006] de Camille de Peretti), revisitées dans un contexte digital.

Méthode : séquences de cours magistral (introduction thématique et théorique) ; exposés des étudiant-e-s ; lecture et discussion d’extraits de textes ; rédaction individuelle d’un mémoire de fin de séminaire/mémoire de BA.